Étymologie :
Contraction de l’anglais : electronic sport traduit simplement par : sport électronique correspond à la pratique des jeux vidéo de manière compétitive.
Quand parler d’esport ?
Souvent, l’esport est résumé à l’affrontement entre joueurs sur un jeu de la même manière que la pratique d’un sport. Mais à quel moment peut-on parler d’esport ? Dans une acceptation sociale, on considère qu’on fait du sport à partir du moment où on pratique le sport en question. Quelque soit le niveau, la récurrence, l’investissement, la seule pratique suffit à considérer l’action comme relevant d’une pratique sportive. Que ça soit seul ou à plusieurs, se mettre en mouvement est considéré comme une activité sportive. Toutefois d’un point de vue scientifique, Nicolas Besmonbes docteur en sciences du sport, explique dans une interview que le sport se définit selon quatre critères : le fait que l’activité soit de nature motrice, que l’activité soit compétitive (affrontements, championnats, tournois, …), que l’activité soit réglementée (passe souvent par l’inscription dans un club et l’obtention d’une licence) et enfin que l’activité soit institutionnalisée, c’est-à-dire placée sous la tutelle d’une fédération nationale. Nicolas Besmondes explique également que pour l’esport, on retrouve les trois premiers critères mais il manque encore l’institutionnalisation car aucune fédération ne reconnaît l’esport.
Selon le curseur, notre considération du sport peut être différente, c’est également le cas pour l’esport. Pour l’esport la réflexion est donc un peu différente. Jouer à un jeu vidéo est considéré comme une pratique récréative, et si le côté « multijoueur » débouche sur la pratique esportive, là où une partie solo ne le permet pas toujours (exception sur le speedrun et la recherche du meilleur score), peut-on le considérer comme le seul facteur à prendre en compte ? Il semble que non. Le côté compétition vient réellement définir l’esport. Pour parler d’esport, il faut parler de compétition. L’esport est une forme de pratique du jeu vidéo axée autour de son aspect compétitif. Toutefois, nombreux sont les jeux à proposer un aspect « compétitif » avec un système de « ranking » (classement avec un rang attribué suivant la performance, les joueurs cherchant à accéder aux rangs supérieurs en s’affrontant). On ne va pas non plus considérer que cette forme de « ranking » relève de l’esport. Avec ces paramètres, la participation à des tournois semble la seule forme relevant d’une pratique esportive.
Dans un premier temps, l’esport est né par la rencontre de joueurs pour s’affronter lors de LAN Party, plus communément appelé LAN (Local Arena Network = Tournoi en réseau local). Lors de ces LAN, les joueurs coupent la distance et se font face pour s’affronter sur des jeux divers et variés sur le même écran ou par écran interposés. Pendant longtemps, le côté LAN et la rencontre des joueurs, à la même manière que les sportifs, a constitué la forme esportive du jeu vidéo. Très rapidement des équipes se sont formées et une première scène est née de ces rencontres LAN. Cependant, le développement d’Internet et de son accessibilité ainsi que la démocratisation des consoles de salon, permettent la mise en place de compétition et de ligue en ligne. Dans les deux cas, les contours de l’esport se définissent par les règles imposées par le jeu. En effet, le fonctionnement du jeu, ce qui est permis ou non de faire, les modes appliqués par les développeurs, viennent poser le cadre de base. A cela, il faut ajouter les règles additionnelles des organisateurs de la compétition qui peuvent venir interférer avec les règles imposées dans le jeu de base et viennent structurer le fonctionnement des différentes compétitions.
Deux « scènes » se développent : la scène professionnelle et la scène amateure avec pour chacune des enjeux différents. Une scène professionnelle, qui se fait vitrine du jeu vidéo et de l’esport. Elle apporte le spectacle et la visibilité à un jeu. Ainsi qu’une scène amateure, où des personnes s’affrontent pour le plaisir dans un cadre de hobby, de la même manière que quelqu’un joue au football le dimanche avec le club local.
Source : – Interview de Nicolas Besmondes dans Le Guide de l’esport de Rémy Chanson, Éditions Hors Collection, 2017
– https://conseilsport.decathlon.fr/lesport-est-il-un-sport-tout-savoir-sur-un-sujet-qui-divise
EST-IL PERTINENT DE PARLER DE « SPORT » POUR CETTE PRATIQUE DU JEU VIDÉO ?
Si dans un premier temps, le joueur de jeu vidéo a eu l’image d’une personne introvertie, asociale et en surpoids, ne pensant qu’à jouer en dépit de sa santé et de sa vie sociale, aujourd’hui ces a priori sont dépassés et le joueur change d’image progressivement. En effet, pour une pratique professionnelle, nombreux sont les joueurs qui modifient leur hygiène de vie pour améliorer leurs performances. Les compétitions sont souvent longues. Endurance, ressources mentales et capacités physiques deviennent nécessaires aux esportifs.
La pratique d’un sport oblige une certaine condition physique. Pour franchir des paliers et s’élever dans un sport, il est nécessaire d’entraîner son corps. Dans l’esport, on retrouve les mêmes mécaniques. En effet, pour être meilleur, un joueur va répéter les mêmes actions et s’entraîner à la manière d’un sportif. Depuis quelques années, on constate que les joueurs ont tendance à faire attention à leur physique. Les équipes esport se dotent de coachs sportifs, nutritionnistes, … On peut prendre l’exemple de Vitality et de leur équipe CS GO (Counter Strike Global Offensive). En 2019, l’équipe recrute Matthieu Péché, champion du monde et médaillé olympique de Canoë-kayak, pour qu’il en devienne le manager. La mission de Matthieu Péché est d’apporter son expérience dans le domaine sportif et son côté professionnel. Il apporte beaucoup sur la préparation physique et mentale des joueurs.
Le sport et l’esport, dans leurs pratiques, commencent à se rapprocher. Avec la professionnalisation du secteur, les exigences grandissent et les professionnels sur les différents jeux voient leur quotidien se rapprocher de ceux d’un sportif de haut niveau. En effet, un joueur esport, tout comme un sportif, doit avoir une pratique régulière et soutenue, avec un entraînement ciblé correspondant aux compétences qu’il veut développer. On peut prendre à titre d’exemple une journée type d’un joueur de CS GO. Dans de nombreuses interviews, les joueurs sont fréquemment revenus sur leur façon de s’entraîner. Par exemple, en 2018, NBK, joueur professionnel sur Counter Strike, explique sa journée type au moment où il prenait le capitanat de son équipe de l’époque :
« Si je devais coucher par écrit ma journée type, la voici :
– Lever à 10h et je vais prendre une bonne heure pour bien me réveiller.
-Je vais ensuite manger, regarder un petit peu l’actualité et quelques matchs CS GO d’autres équipes.
À partir de 13/14h c’est l’heure de l’entraînement en équipe et individuellement qui va durer jusqu’à 21h.
Suivent alors 2h de pause pour décompresser et passer du temps avec ma copine.
Enfin de 23h à 2h du matin, c’est là qu’entre en jeu ce rôle de leader où j’allais ainsi passer ce temps-là à analyser nos matchs afin de déceler les côtés positifs, mais également ceux qui nous font perdre ».
Source : https://sans-filtre.fr/nbk-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-du-metier-de-pro-gamer-csgo/
On constate qu’à l’image d’un sportif de haut niveau, l’activité (ici Counter Strike) rythme la journée et la vie de la personne. On dépasse le cadre de la simple passion et un vrai travail de fond est nécessaire. Il y a une forme d’exigence et un rythme de jeu à garder pour conserver son niveau, tout comme le ferait un athlète dans n’importe quel sport. NBK admet qu’en 2018, les journées sont assez « lights » et axées autour du jeu, car il n’y a pas encore le développement d’une préparation physique, mentale ou nutritionnelle. Depuis 2018, le quotidien des joueurs a encore évolué. En France, Vitality est l’un des principaux innovateurs pour la professionnalisation du secteur.
Autre point commun, ce sont les valeurs qu’inculquent sport et esport. Dans les deux cas, l’esprit de confrontation, de compétition, les valeurs d’esprit d’équipe, de fraternité, … sont développés. Comme dans le monde du sport, des équipes voient le jour avec leurs stars qui deviennent des modèles, et leurs fans. Du point de vue du spectateur, des arènes accueillent des événements, des rivalités naissent et l’âme de supporter se développe. Les enfants prennent pour modèles les joueurs et se rêvent devenir le nouveau Gotaga, KennyS, Bruce Grannec, faker, … Tout comme les générations précédentes ont rêvé de devenir le nouveau Maradona, Sampras, Michael Jordan, … Le développement de ces nouveaux modèles est aidé par leur accessibilité. En effet, de plus en plus il faut payer pour accéder à du contenu sportif (abonnement obligatoire pour n’importe quelle ligue de foot, …). Or pour les compétitions esportives, tout est accessible gratuitement par le biais de sites de streaming, dont Twitch est le porte étendard. L’éclosion de Twitch, site permettant de diffuser un flux vidéo en direct, a permis de rendre accessible les compétitions au grand public. De plus, cette plateforme est un moyen de diffusion pour les joueurs professionnels, qui peuvent cultiver leur image en diffusant du contenu. Cet aspect est primordial pour la construction de l’esport. Le fait qu’un public souhaite regarder et s’investir dans le visionnage de ces performances illustre l’importance du phénomène et permet de nourrir à la fois la scène compétitive ainsi que tout l’écosystème du jeu vidéo.
Pour continuer dans la comparaison et sur la thématique du visionnage, le football est le sport le plus pratiqué en France mais aussi le plus médiatisé et celui qui génère les meilleures audiences. Il est donc logique de penser que si les compétitions esport génèrent de plus en plus de visionnages, elles font grandir le nombre de joueurs potentiels que ça soit pour une pratique occasionnelle ou pour une démarche de performance. On retrouve ici le même phénomène que dans le sport traditionnel. La médiatisation et la diffusion est un moteur pour l’accroissement de la pratique.
Au final, tant par leurs codes que par leurs fonctionnements, sport et esport se ressemblent et tendent à se rapprocher au fur et à mesure que l’esport se professionnalise et prend exemple sur son grande frère le sport. Ce rapprochement est symbolisé par l’incorporation d’un peu d’esport aux Jeux Olympiques de Tokyo de 2021.
Source :
– https://vitality.gg/teams/counter-strike-global-offensive/
– https://fr.wikipedia.org/wiki/Matthieu_Péché
EN CONCLUSION
Il est important de préciser que l’esport est un secteur d’activité encore très jeune en plein essor. Avec le secteur du jeu vidéo, il est voué à jouer un rôle toujours plus important car c’est un secteur en pleine expansion qui attire les jeunes spectateurs et ainsi les investisseurs et les sponsors. En effet, les plus jeunes consomment de plus en plus de streaming sur différentes plateformes, dont Twitch qui centralise la diffusion des grandes compétitions esportives. Chaque nouvelle grande compétition bat le record de spectateurs de la précédente. Ex : Les championnats du monde de League Of Legends, les Worlds ont vu la finale visionnée par 23 millions de personnes dans le monde en 2020 et 73 millions en 2021.
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